De Vittorio à Vittorio : De Sica, acteur et cinéaste
Premier « divo » italien moderne, protagoniste du néoréalisme, artiste reconnu internationalement, grand interprète de la commedia all’italiana et enfin réalisateur de fresques dramatiques ou d’adaptations littéraires, Vittorio De Sica a vécu plusieurs vies artistiques et incarné à lui seul une certaine « italianità ».
Difficile aujourd’hui de lui rendre hommage en illustrant toutes les facettes du « plus authentique descendant de Chaplin » selon René Clair. D’une part, par manque de copies disponibles qui illustrent pleinement les débuts de sa carrière en tant qu’acteur et réalisateur. D’autre part, parce que choisir des titres dans une palette cinématographique si vaste – par périodes (des années 1920 jusqu’aux 1970), par genres (entre cinéma d’auteur et cinéma grand public) et par quantité (157 œuvres !) – relève d’un exercice inévitablement périlleux et subjectif.
La sélection proposée ici prend en considération ses débuts de jeune comédien dans le cinéma des « téléphones blancs » et la rencontre avec, entre autres, Mario Camerini (Il signor Max, Grandi magazzini) après une première carrière de chanteur et d’acteur de music-hall et de théâtre. Vers la fin des années 1930, avec plus d’une trentaine d’interprétations au cinéma à son actif, le « fidanzato » d’Italie envisage de passer de l’autre côté de la caméra et effectue ses premiers pas de cinéaste avec des comédies plus ou moins réussies (Teresa Venerdì). Cette rétrospective se focalise essentiellement sur les films les plus importants de sa carrière de cinéaste et de grande figure du néoréalisme, aux côtés du fidèle ami et scénariste Cesare Zavattini (Sciuscià, Ladri di biciclette, Miracolo a Milano, Umberto D.).
Pour retracer les mille facettes (et masques !) de De Sica, on ne peut cependant pas oublier son âme napolitaine. Né non loin de Rome, sur la route pour Naples, fils d’une Napolitaine et d’un père d’origine salernitaine, De Sica a su raconter et incarner Naples à plusieurs reprises (L’oro di Napoli, Matrimonio all’italiana). Ses formidables qualités d’acteur, héritées à n’en point douter de la commedia dell’arte, lui vaudront des rôles mémorables dans les comédies italiennes des années 1950 et 1960 (Pane, amore e fantasia, Peccato che sia una canaglia), jusqu’aux rôles dramatiques plus tardifs (Il generale Della Rovere, Il delitto Matteotti). Né comédien, le De Sica cinéaste a toujours eu en œil bienveillant sur ses acteurs. En s’identifiant à eux, il arrivait à en assumer leurs points de vue, à les faire vibrer et les transformer, même quand il s’agissait d’acteurs non professionnels. Sophia Loren lui doit beaucoup. C’est grâce à lui et aux personnages qu’il lui a confiés – souvent en couple avec Mastroianni – qu’elle deviendra la star internationale qu’on connaît (La ciociara, Ieri, oggi, domani, Matrimonio all’italiana, I girasoli).
Toujours élégant, ironique et séducteur, Vittorio De Sica a été en même temps un artiste innovateur et courageux, poète et figure paternelle de l’Italie d’après-guerre, dont il a su narrer les profondes contradictions et blessures.
Chicca Bergonzi
De Sica, réalisateur
Vittorio De Sica, cinéaste aux quatre Oscars, fut une figure incontournable du néoréalisme, mettant en scène des drames déchirants, portés par des acteurs non professionnels à la présence inouïe (Sciuscià, Ladri di biciclette, Umberto D.), mais il réalisa aussi des comédies sentimentales (Teresa Venerdì, Matrimonio all'italiana), des films à sketches (L'oro di Napoli, Ieri, oggi, domani), des mélodrames mettant Sophia Loren en majesté (La ciociara, I girasoli), un conte (Miracolo a Milano) et une fresque historique (ll giardino dei Finzi-Contini).
De Sica, acteur
Vittorio De Sica mit son talent d’acteur au service d’autres cinéastes. De la comédie sentimentale légère (Il signor Max de Mario Camerini, Peccato che sia una canaglia d’Alessandro Blasetti, Pane, amore e fantasia de Luigi Comencini), au néoréalisme (Il generale Della Rovere de Roberto Rossellini) ou au drame historique (Il delitto Matteotti de Florestano Vancini) ou social (Grandi magazzini de Mario Camerini). Il partage également l’affiche avec Sophia Loren et Marcello Mastroianni (Peccato che sia una canaglia) qu’il fait jouer dans ses propres films.