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Le nouveau cinéma roumain

Le nouveau cinéma roumain
Cinémathèque suisse

21.01.2020 - 29.02.2020

Rétrospective sur le cinéma roumain contemporain inauguré par la projection en avant-première romande de Football infini de Corneliu Porumboiu le 21 janvier
Les nouveaux Roumains

En Roumanie, comme ailleurs en Europe, l’histoire du cinéma remonte 
aux premières images tournées par les opérateurs Lumière ou Pathé, 
au tournant du siècle. Mais c’est à l’avènement du parlant que se développe un cinéma national, souvent à travers des comédies signées notamment par Constantin Tānase. Après la Seconde Guerre mondiale, sous le régime communiste (1948-1990), le septième art se déploie à travers une véritable industrie – mais au service du régime et de la propagande. Ainsi, l’un des cinéastes roumains les plus marquants, Lucian Pintilié, voit son deuxième 
long métrage, La Reconstitution, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs 
à Cannes en 1970, mais censuré en Roumanie. Il finira par s’exiler en France.


A la chute de Nicolae Ceaușescu, l’industrie nationale s’effondre, mais les cinéastes renaissent. Et malgré les difficultés, ou peut-être à cause de celles-ci, un nouveau cinéma roumain s’affirme peu à peu dans les festivals et dans le monde entier, allant même jusqu’à remporter trois récompenses majeures au Festival de Cannes en trois ans.


Né en 1967, formé à l’ESAV à Genève, Cristi Puiu remporte le prix 
Un Certain Regard en 2005 avec son premier long métrage, La Mort de Dante Lazarescu. En 2006, son confrère Corneliu Porumboiu, né quant 
à lui en 1975, reçoit la Caméra d’or pour 12h08 à l’est de Bucarest, farce follement drôle sur la « révolution » roumaine de décembre. Enfin, 
en 2007, Christian Mungiu (né en 1967) remporte avec le dramatique 
4 mois, 3 semaines et 2 jours la première Palme d’or roumaine de l’histoire.


Tout au long des années 2000, de nombreux autres cinéastes apparaissent, comme Radu Muntean, Radu Jude ou Călin Peter Netzer. 
Mais pour Cristi Puiu, « il n’y a pas de nouvelle vague roumaine, juste 
des réalisateurs désespérés ». A savoir des auteurs qui réfléchissent leur monde en ayant toujours à l’esprit l’espèce de tragicomédie permanente que fut l’ère communiste, et le drame dans lequel la révolution d’abord, 
puis la croissance capitaliste ensuite, les a plongés. Quoi qu’en dise Puiu, 
on peut reconnaître dans leurs œuvres des tonalités assez similaires, dont un certain goût pour l’absurde qui semble propre à la réalité sociale, économique et politique du pays.


Dans le programme de la Cinémathèque française, Jacques Mandelbaum le confirme : « Nonobstant les nuances tonales qui s'expriment dans cette diversité, on voit bien ce qui relie ces films entre eux. L'humour noir, la farce tragique, la croyance en une certaine grandeur de la médiocrité humaine. Soit un goût d'ensemble prononcé pour l'absurdité des systèmes et 
pour la comédie fataliste qui en rend compte. (…) Un absurde qui naîtrait 
de l'épuisement d'une trivialité prise au pied de la lettre. Un cinéma qui 
nous invite à penser que même l'ordinaire relève en Roumanie de la surréalité et que par voie de contamination, pour ne pas dire de la plus stricte nécessité vitale, le raisonnement qui s'y confronte ne peut avoir lui-même que l'apparence de la rationalité. C'est ainsi que ce cinéma se présente ostensiblement comme l'art du sophisme et de la constante remise en scène de la réalité ». 


Frédéric Maire


Les autres films de la rétrospective

Le cinéma roumain sonde sans relâche les traces laissées par la dictature (12h08 à l’est de Bucarest, Comment j’ai fêté la fin du monde, 4 mois, 
3 semaines et deux jours), la crise morale ou la corruption (Le Matos 
et la Thune, Mère et Fils, Loverboy, L’Etage du dessous, Baccalauréat) 
d’un pays qu’on tente de fuir (L’Occident). Ce sont des fictions grinçantes hantées par la mort (La Mort de Dante Lazarescu, Sieranevada, Aferim !), 
ou des récits absurdes (Métabolisme…), au détour desquels, parfois, 
renaît l’espoir (Médaille d’honneur, Le Trésor).