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Le nouveau cinéma argentin

Le nouveau cinéma argentin
Cinémathèque suisse

09.01.2018 - 27.02.2018

Le nouveau cinéma argentin (du 9 janvier au 27 février) – Programmation autour de la nouvelle vague argentine, portée notamment par Lucrecia Martel dont le nouveau film, Zama est projeté en avant-première.
Cinéma argentin en liberté

Né par la grâce du tango, le cinéma (sonore) argentin s’affirmera dans les années 1930 comme l’un des plus importants en Amérique du Sud, puis sera supplanté peu à peu, dans l’après-guerre, par les mélodrames mexicains. Dans les années 1950, après le renversement de Perón, émerge un « nuevo cine » emmené par le génial Leopoldo Torre Nilsson, plus critique sur la société argentine que ses prédécesseurs. Mais en 1966 et en 1976, les dictatures militaires vont donner un double coup d’arrêt à ce renouveau. Les cinéastes argentins les plus engagés émigrent. En France, notamment, Edgardo Cozarinsky, Hugo Santiago ou Fernando E. Solanas signent à distance des œuvres militantes, expérimentales, ou simplement nostalgiques.

La démocratie revient en 1983, les exilés retournent peu à peu au pays et d’autres cinéastes peuvent enfin s’affirmer comme Adolfo Aristaraín, Tristán Bauer ou Eliseo Subiela. Dans les années 1990, l’Argentine traverse une crise économique sans précédent. Il n’y a plus d’argent pour manger et encore moins pour la culture. La dévaluation du peso a quadruplé le prix de la pellicule. Pour réaliser un long métrage, il faut désormais user de stratagèmes en empruntant une caméra et en faisant travailler gratuitement les comédiens et les techniciens, dans l’espoir que le film soit vu et peut-être vendu à l’étranger.

Et pourtant, malgré (ou peut-être à cause de) ces contraintes invraisemblables, plusieurs jeunes cinéastes se lancent dans l’aventure et, au tournant du siècle, donnent naissance à une véritable nouvelle vague argentine. Le premier d’entre eux, né en 1961, est Martín Rejtman dont les deux premiers films (Rapado, sorti en 1996, et Silvia Prieto, 1999) constituent en quelque sorte les actes fondateurs de ce renouveau. Un cinéma ancré dans le réel, tourné avec des moyens légers et une grande liberté de ton, signé par de nouveaux auteurs nés pour la plupart dans les années 1970 et qui, pour certains, sortent de la pépinière de l’Universidad de Cine de Buenos Aires. Ils ont pour nom Adrián Caetano et Bruno Stagnaro (Pizza, birra y faso, 1998), Lisandro Alonso (La libertad, 2001), Lucrecia Martel (La ciénaga, 2001), Diego Lerman (Tan de repente, 2002) ou encore Pablo Trapero. Son premier long métrage, Mundo grúa (1999), tourné les week-ends avec amis et famille, est primé à la Mostra de Venise et au Festival international de films de Fribourg et fait le tour du monde. Dans un noir et blanc désenchanté, Trapero manifeste l’« esprit » du jeune cinéma argentin : un style affirmé, inspiré par des maîtres comme John Cassavetes, qui regarde par la bande et par l’humour la réalité sociale argentine.

Leurs films frappent par une approche véritablement décomplexée du cinéma, qu’ils revisitent les films de genre comme le fera Trapero en signant Carancho ou El clan, avec lesquels il connaît les plus grands succès à domicile, ou qu’ils proposent des visions plus radicales comme celles de Lisandro Alonso et de Lucrecia Martel, dont le dernier film, Zama, est présenté en avant-première au Capitole et met en scène une fascinante confrontation entre le monde des colons espagnols et celui des Indios colonisés. Un chef-d’œuvre du cinéma contemporain.

Frédéric Maire

Les autres films de la rétrospective

Dès le mitan des années 1990, le cinéma commercial qui prédominait en Argentine s’est vu devancer par une vague de films intimistes et réalistes, marqués par de forts enjeux sociaux et le souvenir de la dictature militaire (1976-1983). Les films de Pablo Trapero, Martín Rejtman, Diego Lerman, Lisandro Alonso et Lucrecia Martel, les figures de proue de ce nouveau cinéma argentin, ont ainsi inspiré toute une génération de réalisateurs, qui se sont attachés à filmer la petite histoire pour raconter la grande et conférer ainsi une dimension universelle à leurs récits.