Le cinéma sud-coréen contemporain
Histoire de genres
En 1987, la Corée du Sud vit la première élection présidentielle de son histoire. Le régime dictatorial est enfin aboli. Durant les années 1990, les films en salles sont largement dominés par les productions hollywoodiennes,
le peuple ayant besoin de rêver et envie de s’occidentaliser. Les cinéastes du pays se confrontent à la réticence du public pour les œuvres tendant à une critique sociale. Le subterfuge est tout trouvé: de jeunes réalisatrices et réalisateurs vont dès lors passer par les films de genre afin de se libérer des traumatismes liés aux années de sacrifice d'après-guerre. De ce mouvement insolite qui gagne progressivement en popularité, vont jaillir des metteuses et metteurs en scène comme Park Chan-wook, avec la sortie en 2000 de JSA (Joint Security Area), succès critique et commercial qui lancera cette nouvelle vague de talentueux cinéastes sud-coréens. Cet élan va se traduire par de nombreuses productions, de tous genres: du drame absurde (Memories of Murder, 2003), au film intime (les 30 longs métrages de Hong Sang-soo), à la course-poursuite haletante (Hard Day, 2014), au thriller horrifique (The Chaser, 2008), à l’humour, au film noir, à plusieurs chefs-d’œuvre qui aboutissent, en 2019, à une Palme d’or à l’unanimité pour Parasite (2019), premier film en langue étrangère à gagner également l’Oscar du meilleur film en 2020.
Maxime Morisod
Agitation au «Pays du matin calme»
Avec les succès phénoménaux de Parasite de Bong Joon-ho, des séries (telles que Squid Game), mais aussi de la K-pop (le boys band BTS en tête), la Corée du Sud jouit d’un rayonnement sans précédent. Pourtant, son cinéma n’a pas attendu le couronnement de Bong Joon-ho au Festival de Cannes et aux Oscars pour signaler sa vitalité. Ne cherchant à panthéoniser ni des cinéastes ni des films, ce cycle invite plutôt à parcourir ces deux dernières décennies pour (re)découvrir la richesse d’une production qui, hors festivals, peine encore à exister sur les écrans suisses. Constamment à la croisée des codes et des genres – le cinéma sud-coréen excellant dans le glissement entre les tons –, les films de ce programme se rejoignent néanmoins sur un thème, puisqu’ils invitent à se confronter aux enjeux sociétaux d’une nation qui, à l’aube du nouveau millénaire, s’émancipait tout juste d’un régime militaire et d’une censure sévères. Park Chan-wook l’affirmait d’ailleurs dans le documentaire Les Enragés du cinéma coréen d’Yves Montmayeur (2007): «Les bons films coréens parlent toujours de la relation entre l’individu et la société. [Leurs] réalisateurs s’intéressent (...) aux conflits liés à cette relation». A notre tour de nous y intéresser.
Loïc Valceschini
Les autres films du cycle
Bien que Park Chan-wook et Bong Joon-ho clôturent ce cycle avec deux œuvres qui ont marqué le cinéma sud-coréen au fer rouge (respectivement JSA et Parasite), ils n’en incarnent bien évidemment pas l’unique composante. En sus d’autres auteures et auteurs incontournables, dont Hong Sang-soo (La femme est l’avenir de l’homme et Un jour avec, un jour sans) et Lee Chang-dong (Oasis et Poetry) pour ne citer qu’eux, la sélection fait aussi la part belle aux premiers films et aux (plus) jeunes cinéastes qui, ensemble, partagent cette volonté de sonder passé et présent pour exposer, souvent avec fracas, l’indicible.