Suite à sa disparition en juillet dernier, retour sur les principaux films qui ont marqué la carrière d'Alan Parker
Sir Parker, un européen à Hollywood
On lui demandait souvent pourquoi il avait réalisé autant de films si différents. « Parce que je le peux » aimait-il répondre. En vérité, le cinéma d’Alan Parker, réalisateur, romancier, peintre, cartooniste, est le reflet d’une personnalité curieuse et complexe, aux multiples intérêts et convictions morales. Qu’il s’agisse de films musicaux (Fame, Pink Floyd : The Wall, The Commitments, Evita), de thrillers politiques (Mississippi Burning, The Life of David Gale), de films d’horreur psychologique (Angel Heart), ou de drames familiaux (Shoot the Moon, Angela’s Ashes), Parker n’oubliera jamais ce que Ken Loach lui avait déclaré au début de sa carrière : « not to ask how, but why (ne pas se demander comment, mais pourquoi)».
Issu d’une famille de la «working class» londonienne, il commence à travailler dans une agence publicitaire comme stagiaire. Devenu rédacteur, puis auteur et enfin réalisateur de «tv commercials», il fait partie à la fin des années 1960 d'un groupe de cinéastes britanniques qui révolutionnent le monde de la publicité (avec Ridley et Tony Scott, Hugh Hudson et Adrian Lyne). En 1973, il hypothèque sa maison pour terminer son premier film, qui sera ensuite acheté par la BBC. En 1976, il décide d’essayer de réaliser son premier film pour le cinéma. Ce sera Bugsy Malone, une comédie musicale de gangsters qui se déroule dans l’Amérique des années 1930 et qui est entièrement jouée par des enfants : parce qu’après avoir réalisé des centaines de publicités avec des «kids», il se savait bon dans la direction de jeunes acteurs. Le film, porté par Jodie Foster (la même année où Taxi Driver sortait en salles), se retrouve en compétition au Festival de Cannes et nommé aux Golden Globes et aux Oscars. Le grand succès au box-office de son deuxième film, Midnight Express, scénarisé par Oliver Stone – encore inconnu – et entraîné par la musique du jeune compositeur de disco Giorgio Moroder, lui ouvre définitivement les portes d’Hollywood. Toujours humble et extrêmement lucide, Parker estime faire désormais partie de l’industrie cinématographique américaine, tout en se considérant comme un cinéaste européen. Dans les années 1980 et 1990, il alterne des productions aux castings étoilés (De Niro et Mickey Rourke dans Angel Heart, Gene Hackman et Willem Dafoe dans Mississippi Burning, Madonna et Antonio Banderas dans Evita...) avec des productions plus modestes aux acteurs inconnus (Fame, The Commitments).
A la fin de sa carrière, après l’accueil mitigé réservé à The Life of David Gale, Parker se focalise de plus en plus sur sa peinture, non sans une pointe d’amertume envers la nouvelle génération de dirigeants des studios américains, «beaucoup plus intrusive et manipulatrice qu'avant». Avec une ironie glaçante, à propos de «la mort de l’industrie du cinéma intelligent», il déclarera que «Spielberg et Lucas ont du sang sur leurs mains, (...) responsables plus que d’autres réalisateurs de la façon dont le septième art est devenu totalement commercial et populiste».
Storyteller libre et rigoureux, justement récompensé à de nombreuses reprises, Parker nous a quittés en juillet dernier.
Chicca Bergonzi