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FIFF 2020: Mondes à l'envers

FIFF 2020: Mondes à l'envers
Cinémathèque suisse

2020/9/24 - 2020/10/29

Dès le mois de septembre et une fois par mois, sélection de films autour de l'uchronie en partenariat avec le FIFF

Avec des si, comme cinéma

Notre amour du cinéma nous a joué un mauvais tour: aucun film de cette sélection n’avait osé imaginer qu’un pangolin... une chauve-souris... bref, que les projecteurs et la vie s’arrêtent à ce point. Contagion, Rage ou même le formidable film catastrophe sud-coréen The Flu n’étaient pas allés aussi loin. Au Festival International de Films de Fribourg, nous étions si fiers de pouvoir projeter en mars dernier, et puis non, Akira, le stupéfiant dessin animé de Katsuhiro Otomo qui avait, et pour la première fois, à la fin des années 1980, fait entrer l’anime japonaise dans les Cahiers du cinéma. Akira, c’était l’exemple parfait pour expliquer le principe de l’uchronie. Nous avions complètement rôdé le discours. Quand Otomo imagine, en 1988, que Tokyo, détruite par la Troisième Guerre mondiale et reconstruite en Neo-Tokyo, va accueillir les Jeux olympiques en 2020, il crée une dystopie, soit un monde utopique. Mais quand il s’avère que, dans la réalité, les JO auront bien lieu dans un Tokyo intact, on peut que considérer qu’Akira devient, en 2020, uchronique.

Déjà bien avant, notre amour du cinéma populaire avait failli nous jouer un mauvais tour. En choisissant, pour la section «Cinéma de genre» du Festival International de Films de Fribourg, l’uchronie, ce sous-genre qui ose réécrire l'Histoire, nous ne nous attendions pas à trouver si peu de titres recensés. Pourquoi avions-nous tant de difficultés à trouver des récits uchroniques dans le cinéma, alors que la littérature, la bande dessinée ou même les séries en regorgeaient (The Man from the High Castle, The Handmaid’s Diary, etc.)? Et puis, l’évidence a surgi. La représentation des peuples d’origine asiatique ou africaine dans le cinéma occidental, ou encore des femmes dans la quasi-totalité des productions mondiales? Uchronies! Car le cinéma, tel qu’il se pratique depuis 125 ans, consiste essentiellement à réécrire l'Histoire d’un point de vue de mâles, si possible blancs.

Et si? Cette question toute simple pousse la porte d’autres mondes. Des mondes apparemment semblables au nôtre. Mais prudence... Et si, cette fois, les nazis et nazies ruminaient leur revanche loin de la Terre? Et si la guerre de Sécession avait tourné au profit des esclavagistes? Et si les Noirs américains dirigeaient leur pays et pratiquaient une discrimination raciale systémique contre les Blancs? Et si les enfants, las des absurdités des adultes, décidaient de les éliminer? Et si les femmes dirigeaient le monde tandis que les hommes seraient contraints de porter le voile? Et si tout, absolument tout, était inversé comme dans l’hilarant Le Fantôme de la liberté de Luis Buñuel?

Et si? Bienvenue dans le monde de l’uchronie, terre de fiction de tous les possibles que le FIFF vous propose d’explorer au travers d’une sélection de classiques et de perles rares à vous faire douter de tout. Et si la Cinémathèque suisse reprenait cette sélection à cause d’un pangolin... d'une chauve-souris...? Ça non plus, nous ne pouvions pas l’imaginer, ni en rêver.

Thierry Jobin, directeur artistique du Festival International de Films de Fribourg, et Jean-Philippe Bernard, curateur de la section «Cinéma de genre: Mondes à l’envers»