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Rétrospective Aki Kaurismäki

Rétrospective Aki Kaurismäki
Cinémathèque suisse

5/1/2017 - 6/17/2017

Rétrospective Aki Kaurismäki: tous les films de fiction du cinéaste finlandais, pour découvrir une œuvre tragique sublimée par une esthétique raffinée.
Mon souvenir d'Aki

Pour introduire cette rétrospective consacrée à Aki Kaurismäki, la parole est laissée à Peter von Bagh, celui à qui L’Autre Côté de l’espoir, le dernier film du cinéaste finlandais, est dédicacé. Décédé en 2014, il a été le premier responsable de la programmation à la Cinémathèque finlandaise, le directeur artistique de nombreux festivals cinématographiques, un historien du cinéma émérite et un ami de longue date de Kaurismäki.

"Un jeune cinéaste qui choisit comme premier sujet de film Crime et Châtiment de Dostoïevski n’a pas froid aux yeux. Il est, ou totalement fou, ou parfaitement conscient de ce qu’il fait. Aki Kaurismäki a expliqué en 1984 avoir cherché, pour sa première réalisation, à associer « quelques éléments simples » : « L’ascétisme, la série B, la psychologie de Dostoïevski, un enchaînement d’événements dans une ville en principe anonyme ». Il a, semble-t-il, tout 
de suite été à la hauteur de la situation. On retrouvera les mêmes ingrédients dans son œuvre à venir, dans un autre ordre et sous des noms différents : minimalisme, inséparabilité du sublime et du trivial dans l’expérience de 
la vie et les catégories de l’art, niveau de perception de la psychologie relevant du plus haut classicisme plutôt que de la série télévisée, cascades d’événements et alternance du hasard et de la fatalité, villes sans nom, 
non-lieux, mondes intérieurs. L’énoncé de 1984 était riche de contenu.

Mon premier souvenir d’Aki Kaurismäki remonte aux séances de 
la Cinémathèque finlandaise, à Helsinki, dont j’assurais la programmation. (…) Aki les suivait souvent de bout en bout. Je me rappelle ses réflexions narquoises sur les sujets les plus divers. Avec en prime des desiderata concernant le programme. J’ai tout de suite vu qu’il saisissait la trame interne et la logique poétique des séries de films présentées. Car la programmation n’est pas un travail de fonctionnaire. C’est sans doute dans ces moments que s’est constitué le socle de l’entente durable qui semble désormais nous unir. J’ai encore très présente à l’esprit l’image de ce jeune homme du premier rang, identifiable au premier coup d’œil comme un cinéphile type, parfois penché en avant, concentré et attentif, parfois affalé d’un air rêveur. Avant la projection, je disais souvent quelques mots sur le film. Les rôles se sont inversés depuis, c’est maintenant moi, en règle générale, qui l’écoute (…).

On peut citer un roman finlandais qui vient souvent à l’esprit lorsqu’on visionne les films de Kaurismäki : Tulitikkuja lainaamassa (En empruntant des allumettes) de Maiju Lassila et publié en 1913. Deux hommes sortent de chez eux pour aller chercher des allumettes et ne reviennent pas avant plusieurs jours. Sur cette trame élémentaire se greffe l’absurdité profonde, contractuelle, de la vie – si intimement comprise que Beckett, à côté, fait figure d’auteur pour jardin d’enfants. Ce livre ne figure dans aucun film 
de Kaurismäki, mais, si j’en parle, c’est parce que son rythme et sa philo-sophie ont durablement marqué tous les Finlandais, lui compris. Or, c’est 
là une des caractéristiques les plus frappantes d’Aki : sa capacité de digestion et d’appropriation. C’est pour cette raison que la littérature, la peinture et 
la musique finlandaise ont une présence si palpable dans ses films.
"

Peter von Bagh, historien du cinéma, texte tiré de Aki Kaurismäki 
édité par le Festival de Locarno et les Cahiers du cinéma en 2006

Les films de la rétrospective

Dès son deuxième film, Calamari Union, Aki Kaurismäki manifeste 
une prédilection pour le road-movie, circonscrit aux frontières de 
la Finlande dans Tiens ton foulard, Tatiana ou de la Sibérie à l’Amérique 
du Nord avec les tribulations loufoques des Leningrad Cowboys. 
Shadows in Paradise, sa troisième réalisation, inaugure une trilogie prolétarienne suivie par un second triptyque dédié aux laissés-
pour-compte. A travers ces films, le cinéaste ausculte les absurdités 
de la civilisation moderne avec une lucidité féroce et un humour glacial, 
qui n’interdisent pourtant jamais la chaleur humaine.


La saga Leningrad Cowboys

Avec leur look impossible, coiffures en banane géante, santiags longues comme des skis, leurs balalaïkas, leur folklore russe et leur vieux twist, le groupe des Leningrad Cowboys est un condensé vertigineux de la contradiction insoluble de la Finlande, de sa schizophrénie entre l’Est 
et l’Ouest. Aki Kaurismäki leur crée des personnages, les met en scène 
et consacre deux longs et deux courts métrages aux déambulations de ces rockers d’opérette au pays du non-sens, de l’anarchie et du burlesque. L'occasion de retrouver Sakari Kuosmanen qui était venu présenter l'avant-première du nouveau film d'Aki Kaurismäki au Capitole en mars.