NIFFF : 20 ans de films fantastiques
Un changement de paradigme
Si la situation sanitaire le permet, le Festival International du Film Fantastique de Neuchâtel (NIFFF) célébrera sa 20e édition, du 2 au 10 juillet 2021. Un tel anniversaire invite à la rétrospection et nous offre surtout l'occasion de réfléchir (à) l'évolution du genre fantastique.
Depuis la création du NIFFF en 2000, le fantastique a connu de nombreuses mutations: si le genre était à cette époque relégué en arrière-plan, dévolu à un public de niche – une configuration renforçant la perception négative et réductrice dont l'origine remonte à l'âge d'or du cinéma hollywoodien et à ses classifications en séries A et B –, il est depuis devenu un incubateur essentiel dans les productions audiovisuelles. Des blockbusters super- héroïques à des films plus indépendants, tout en passant par les séries et le contenu des plateformes de streaming, le fantastique ne cesse d'infuser les imaginaires contemporains.
En parallèle de cette reconnaissance du fantastique, le NIFFF a crû pour devenir en l'espace d'une vingtaine d'années un festival à la réputation internationale. Le programme présenté à la Cinémathèque suisse propose ainsi de se pencher sur une double évolution, en reflétant les transformations du genre sur ces deux dernières décennies, tout en revenant sur des cinéastes, des courants et des pays qui ont marqué le fantastique autant que le NIFFF.
Il est évidemment difficile de résumer vingt ans de production fantastique en une poignée de titres. Toute proportion gardée, la présente sélection vise moins l'exhaustivité que l'historiographie. Le programme explorera entre autres le cinéma horrifique espagnol (El espinazo del diablo, [•REC], El Orfanato), dont le succès et l'influence ont largement dépassé les frontières nationales, mais aussi les films de certains cinéastes tels que Gaspar Noé (Enter the Void), Edgar Wright (Hot Fuzz) et Lars von Trier (Melancholia), qui ont alimenté et étayé l'imagerie d'un genre pourtant très codifié.
La création du NIFFF coïncide avec l'essor du cinéma asiatique, que le festival promeut grandement depuis sa création, notamment sous ses formes populaires. C'est le cas avec le renouveau du cinéma sud- coréen, dont deux œuvres seront mises à l'honneur (Old Boy, The Chaser). Le programme sera aussi l'occasion de revisiter Death Proof de Quentin Tarantino – véritable parangon et défenseur du cinéma d'exploitation –, dont la sélection cannoise en 2007 préfigurait la présence exponentielle de films de genre aux grands rendez-vous du septième art. Un changement de paradigme que semblent avoir certifié les couronnements de The Shape of Water aux Oscars et de Blue My Mind aux Quartz.
Mais même si le fantastique jouit désormais d'une belle démocratisation, il ne s'est pas encore complètement affranchi de certains préjugés. Une raison de plus pour le NIFFF de poursuivre sa mission de curateur, de valoriser un genre et son histoire, mais aussi de sonder ses perspectives futures. La pandémie que nous traversons l'aura explicité plus que jamais: par le miroir qu'il peut tendre, le fantastique reflète et déforme notre société, nos peurs, et nous invite à nous questionner. Il est le catalyseur de notre subconscient.
Loïc Valceschini, directeur artistique ad intérim du NIFFF
Les autres films de la rétrospective
Bien qu’il s’imprègne des différentes cultures dans lesquelles il prend forme, le fantastique ne se cantonne ni aux frontières ni à un ensemble de codes et de thèmes prédéfinis. D’un pensionnat reculé en Espagne aux rues de Séoul, en passant par l’hiver suédois, une grotte des Appalaches ou l’intimité d’un cocon familial, les êtres, les actes et les sentiments extrêmes qui traversent les films sélectionnés à l’occasion de la 20e édition du NIFFF révèlent toute la diversité et l’universalité d’un genre qui surgit parfois là où on ne l'attend pas.