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Hommage à Michel Piccoli

Hommage à Michel Piccoli
Cinémathèque suisse

26. 08. 2020. - 10. 10. 2020.

Hommage à l'immense comédien Michel Piccoli disparu en mai dernier

La mort du génie

Décédé en mai dernier à Paris à l’âge de 94 ans, Michel Piccoli était l’un des plus grands comédiens (et cinéastes) de la planète. Comme l’écrivait l’ancien directeur de la Cinémathèque française Dominique Païni en 2007, pour l’hommage que le Festival de Locarno allait lui rendre, «la première vertu de Michel Piccoli est d’accueillir et d’incarner le génie. Et il le fréquenta souvent! Il apporte aux cinéastes une inquiétude, un excès et une puissance, une énergie monumentale dont une mise en scène profite. Si on se risque à l’inventaire des noms des cinéastes que Michel Piccoli a servis, c’est une sorte de dictionnaire idéal de la cinéphilie qui s’accomplit: Hitchcock, Renoir, Buñuel, Godard, Rivette, Demy, Varda, Oliveira, Ferreri, Bellocchio, Sautet, Chahine, Tavernier, Cavalier, Doillon, Moretti, Carax... Cette liste est inimaginable et il n’est pas concevable qu’un acteur ait pu faire un tel voyage».

Entre ses débuts dans l’immédiat après-guerre et aujourd’hui, ce Français avec de lointaines origines tessinoises (si, si!) a tourné dans plus de 200 films de cinéma et de télévision et joué, au théâtre, avec les plus grands metteurs en scène. J’ai pour ma part eu l’insigne honneur de l’accueillir à Locarno pour la projection de l’émouvant Sous les toits de Paris de Hiner Saleem, en compétition, et ensuite pour lui décerner l’Excellence Award que lui a remis la comédienne Ariane Ascaride. Il est reparti avec un deuxième Léopard sous le bras, puisque son rôle dans le film lui a valu le Prix du meilleur acteur. Mais il était déjà venu à Locarno bien des années plus tôt, en 1994, pour y montrer son premier court métrage en tant que «jeune» réalisateur de... 69 ans, Train de nuit. Il signera par la suite trois longs métrages qui démontrent tous la qualité très moderne – et toujours incroyablement jeune – de son regard.

Dans l’émotion qui m’étreint à le savoir parti rejoindre les étoiles, je ne peux qu’évoquer justement son immense curiosité, son désir inextinguible de toujours essayer de nouveaux parcours, de travailler avec des inconnus, d’accueillir l’improbable et d’être toujours présent, humain, chaleureux, avec ceux qui sont avec lui. J’ai rarement rencontré d’homme aussi célèbre qui ait cette ouverture d’esprit et cette curiosité à l’égard des autres. Il disait d’ailleurs aux Cahiers du cinéma, en 1986: «Il faut toujours apprendre son métier. On ne sait jamais quand on tombe sur une constellation juste, alors il faut voyager».

Ami de Freddy Buache et des cinémathèques, Michel Piccoli était venu à la Cinémathèque suisse en 2008 présenter Mado de Claude Sautet à l’occasion des répétitions de Minetti de Thomas Bernhard au Théâtre Vidy-Lausanne et d’une rétrospective en son honneur. Pour le coffret DVD que nous avions consacré à Freddy Buache, Michel Piccoli avait écrit: «Merci à ce voyageur qui a créé la magie d’une salle obscure». Je ne peux que renvoyer cette phrase à son auteur, car lui aussi fut, durant près de 75 ans, cet immense magicien des salles obscures.

Frédéric Maire