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Avant-première: "Vangelo" de Pippo Delbono

Avant-première: "Vangelo" de Pippo Delbono
Cinémathèque suisse

13/3/2017 - 13/3/2017

Le cinéaste italien Pippo Delbono de retour au Capitole: il vient présenter son nouveau film, Vangelo, en avant-première. Une immersion dans un camp de réfugiés.
Retrouver l’Evangile?

Metteur en scène de théâtre, comédien, cinéaste, Pippo Delbono est un artiste dont la propre expérience n’est jamais très loin de la création d’une œuvre. Que ce soit la mort tragique de son premier grand amour, sa rencontre avec Bobò le sourd-muet, la découverte de sa séropositivité ou son amitié avec l’ancien leader des Brigades rouges Giovanni Senzani, tous ces événements le poussent toujours à confronter l’intimité de son expérience avec le monde contemporain. Ainsi, ses spectacles et ses films provoquent des réflexions profondes sur les crises majeures de la société occidentale, et plus particulièrement italienne.

Passant régulièrement de la scène à la caméra, il troque la mise en scène de comédiens dans des décors pour des images et des sons qu’il saisit le plus souvent lui-même au fil de ses voyages et rencontres. Prolongement organique de son corps de danseur, sa caméra travaille 
dans la durée et dans la tension, parfois violente, souvent drôle. 
Elle parvient à saisir des moments de réel que le cinéaste transforme ensuite en autant de moments de fiction. Ainsi, ce Vangelo (Evangile) filmé, que nous présentons en avant-première après sa projection à la Mostra 
de Venise et en collaboration avec le Festival international des droits humains à Genève, fait écho au spectacle homonyme créé au Théâtre 
de Vidy, il y a tout juste une année.

Peu après le décès de sa mère, qu’il avait raconté dans son dernier film, Sangue, Pippo Delbono s’est trouvé dans une sorte de vide personnel, créatif, intime, étrangement révélé par une maladie des yeux à l’origine mystérieuse. La conjonction de ces événements va le porter à se rendre dans un centre d’accueil de réfugiés, près d’Asti en Italie. Au départ, 
il envisage de mettre en scène une variante de l’Evangile avec ces laissés-pour-compte de la société occidentale. Une façon de rendre hommage à cette mère qui l’avait mis au défi, lui l’artiste bouddhiste, de raconter l’histoire du Christ. Une façon aussi, pour lui, de s’engager personnellement dans la tragédie qui se déroule de nos jours en méditerranée.

Mais le projet de départ va vite être mis à l’épreuve de la réalité. Que ce soit celle de Pippo, de ses doutes sur la création théâtrale, de sa maladie des yeux – qui lui impose de réapprendre à voir –, mais surtout celle de 
ces réfugiés dont les destins, terribles, inimaginables, se révèlent vite bien plus forts que la plus forte des fictions.

Soudain, le metteur en scène et cinéaste, qui était parti pour relater une histoire avec sa petite caméra ou son téléphone portable, devient 
le témoin de tant d’autres existences où il n’a pas sa place. Où L’Evangile, 
tel qu’on nous le raconte d’habitude, ne l’a pas non plus. Le créateur (avec 
et sans majuscule) doit alors faire silence, écouter et se remettre en question face à une humanité qui le dépasse. Il fait ainsi la rencontre avec quelque chose de l’ordre de la création, de la beauté, de la foi peut-être, 
et qui lui permet de raconter une histoire différente de celle à laquelle 
il s’attendait. Différente, mais sans doute beaucoup plus vraie.

Frédéric Maire