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Intégrale Kornél Mundruczó

Intégrale Kornél Mundruczó
Cinémathèque suisse

13/2/2018 - 27/2/2018

Intégrale Kornél Mundruczó (du 13 au 27 février) – Tous les longs métrages du cinéaste hongrois, inaugurés par une projection spéciale de Jupiter’s Moon.
La peur et l’espoir

La sortie de son nouveau film Jupiter’s Moon, primé au Festival de Cannes en 2017 et projeté au Capitole, nous donne l’occasion de présenter l’intégralité de ses films, alors que le Théâtre de Vidy accueille l’une de ses dernières mises en scène. Car s’il est reconnu d’abord pour son activité de cinéaste, Kornél Mundruczó est également, avec sa compagnie Proton Theatre, un brillant metteur en scène de théâtre et d’opéra, qui alterne volontiers la scène avec l’écran, chaque projet nourrissant l’autre.

Né en 1975 à Gödöllő en Hongrie, Mundruczó se fait connaître en remportant en 2002 le Léopard d’argent à Locarno pour son premier long métrage, Pleasant Days. Il signe ensuite cinq autres longs métrages, tous présentés au Festival de Cannes. Johanna est une adaptation contemporaine et chantée de la vie de Jeanne d’Arc. Delta porte sur la rencontre entre un homme qui revient au pays après une longue absence et les retrouvailles avec sa sœur dans la campagne sauvage du delta du Danube. Et en 2010, Tender Son : The Frankenstein Project met en scène un voyage dans l'univers mental d'un jeune garçon assassin, très libre adaptation de l’ouvrage de Mary Shelley.

Moins radical dans sa forme que son aîné Béla Tarr, Kornél Mundruczó est néanmoins, par les sujets qu’il aborde et la rigueur artistique qu’il déploie, son digne successeur. Il le précise d’ailleurs assez bien dans un récent entretien : « Personnellement, je me méfie des récits idéologiques qui s‘inscrivent dans une actualité brûlante. Je crois davantage en l‘idée d‘un art classique, agissant comme l‘eau sur le béton : elle le ronge et le fait s‘effriter peu à peu ». Ainsi, le cinéaste engagé aime exploiter les genres cinématographiques – notamment le mélodrame, le film d’action ou le fantastique – pour construire un discours qui va bien au-delà du simple divertissement. Comme le démontrent ses deux derniers films, White Dog et Jupiter’s Moon, qui développent un même questionnement autour des étrangers et de la notion de dieu.

A propos de White Dog, Mundruczó expliquait que ce film « est la critique d’une Hongrie dans laquelle une mince couche de la société dirige une grande part de la population. C’est également de plus en plus le cas ailleurs en Europe. Un petit groupe issu de l’élite se réserve le droit de régner pendant que les politiciens, comme dans un programme de téléréalité politique, passent pour des vedettes à qui nous accordons nos votes à tour de rôle. Ces tendances sont très dangereuses. Si nous n’y prenons pas garde, un jour les masses se soulèveront. [Ce qui représente] la grande crainte actuelle des pays européens. Et ils ont raison d’avoir peur. (…) C’est ce qui nous attend si nous persistons à refuser de comprendre les autres espèces, nos adversaires ou les minorités. Ce n’est qu’en nous mettant à leur place que nous aurons une chance de déposer les armes ». Un propos qui résume parfaitement la vision très sombre que le cinéaste peut avoir d’une Europe qui se construit sur le pouvoir et l’argent, et qui se ferme toujours plus aux autres.

Frédéric Maire

Un spectacle au Théâtre Vidy-Lausanne

Les 14 et 15 février, le Théâtre Vidy-Lausanne accueille sur ses planches la pièce Imitation of life de Kornél Mundruczó, une fable sociale et onirique.

A Budapest, un huissier vient mettre en demeure une vieille femme de quitter son logement. Mais l’insalubrité et la déliquescence face auxquelles il se retrouve confronté l’obligent à un examen de conscience – et, avec lui, c’est la société, son assurance à aller toujours plus vite, ses rythmes et ses exclusions, ses certitudes qui ignorent l’être, qui sont bouleversés par l’émotion.

D’un drame social, le cinéaste et metteur en scène hongrois Mundruczó tire un spectacle bouleversant dans lequel le plus grand réalisme ouvre sur une parabole allégorique passionnante. L’interprétation saisissante des acteurs du Proton Théâtre de Budapest, la scénographie spectaculaire et une utilisation cinématographique de la vidéo et de la musique décuplent la force d’évocation du récit.

Mundruczó s’est inspiré d’un fait divers : le meurtre d’un jeune Rom par un autre jeune de la même origine. Il ne raconte pas le crime, mais, maître dans l’art de la narration métaphorique, il explore son contexte et déploie son réalisme poétique pour saisir une crise qui ne touche pas que la Hongrie.

Au Théâtre Vidy-Lausanne les 14 et 15 février

Les autres films de la rétrospective

Après des premiers films sur une jeunesse incandescente (This I Wish and Nothing More, Pleasant Days), Kornél Mundruczó s’attache à mettre en lumière la part sombre et brutale de l'humanité et à narrer des allégories de manière sobre (Delta). Parfois, il emprunte également au cinéma de genre et propose une mise en scène traversée d’un sens du suspense et du spectaculaire (Tender son : The Frankenstein Project, White Dog ou Jupiter’s Moon). Il se réclame d’un cinéma à la fois exigeant et lyrique, anticonformiste dans son propos, avec un goût prononcé pour le formalisme et la parabole.